« Bien des terres sont accueillantes mais, aucun regard n'a jamais contemplé une beauté à la tienne égale. Est-ce le ciel qui vers toi s'incline, ou est-ce toi qui vers lui s'élèves? »

Al Harizi



28 octobre 99, nous voilà « on the road again ». Nos précédents voyages nous avaient conduits vers des destinations merveilleuses, qui à bien y regarder avaient toutes une dimension un peu mythique si ce n'est même un peu mystique : les pistes sahariennes, les collines de Palestine et la magnétique Pétra, le fabuleux royaume de la Reine de Saba. Attirés par ces décors désertiques, ces pays merveilleux, face au silence et à l'immensité, à tant de beauté dénuée de tout artifice, le désert fait naître en nous humilité, méditation, contemplation, et la solitude dans l'effort, la souffrance, l'énergie déployée pour évoluer dans ces espaces sauvages amènent une dimension supplémentaire à l'aventure.

Nous voilà donc au Caire un peu perdus dans cette mégalopole bruyante et poussiéreuse. L'aventure a déjà commencé à l'aéroport dès notre arrivée : trouver chauffeur (Momo) et véhicule ( Cherokee cheef), un lieu pour passer la première nuit ; notre seconde journée sera consacrée à la logistique, achat de matériel de camping, préparation des vtt qui nous ont suivis en bagages accompagnés, conditionnés dans de grandes boites en carton transformées en fly cases.

Le troisième jour du périple, transit en taxi-bus et 4x4 au cœur même du Sinaï, au village de « Nakl » perdu dans l'immensité de la plaine du « Tith », après une journée ponctuée par le passage du canal de Suez via le tunnel « El Ahmad » et une première crevaison… Les écrous de roues foirés, ça met dans l'ambiance!

Après une première nuit de bivouac sur le toit d'un hôtel en construction, nous entamons au matin du quatrième jour, ce pourquoi nous nous préparons depuis presque 2 ans : notre raid sur les pistes du Sinaï.


A la recherche de l'ombre dans le désert bleu

Bon, ça commence mal! Petit détour au poste de police où on nous fait comprendre que la route, oui, mais pour ce qui est de la piste et encore plus du hors-piste, non! Tractations, négociations, rien n'y fait d'autant plus que nous avons la facheuse impression que Mohammed notre guide, traine un peu les pieds… Soit, ce sera donc la route direction plein Est, alors que nous avions prévu la piste du Sud.

Cette  première journée nous conduit donc vers « Taba », au Nord du golf d'Aqaba, par une route magnifique, quasi déserte tout au long de laquelle nous traversons les vestiges des combats qui ont fait rage entre Israël et l'Egypte lors de la guerre des « Six jours ».

 

Au matin du cinquième jour, nous reprenons donc notre route en direction de « Noweiba ». Après une quarantaine de kilomètres une piste sur la gauche entourée de barbelés protégeant des champs de mines (Sic !) nous conduit au « Colored Canyon ».Alors là, les galères commencent! Seulement 15 kilomètres nous séparent du canyon, mais quels kilomètres! Un sable mou et profond, ravagé par l'incessant balai des 4x4 de touristes, une chaleur suffoquante et pour corser le tout le lit de l'oued qui monte considérablement. C'est bien simple, nous mettons 2 fois plus de temps à parcourir ces 15 kilomètres de piste que les 40 kilomètres avalés ce matin sur la route goudronnée… En fin d'après-midi, nous voilà donc au-dessus du « Colored Canyon ». Une petite paillotte fait office de buvette et d'hôtel sous les étoiles, elle suffira à notre repos après avoir , juste avant la tombée de la nuit, visité le célèbre canyon, polychromie naturelle, dédale de ravins, reliefs tabulaires tourmentés : un endroit extraordinaire peut-être un peu « surfait » par le passage quotidien de dizaines de touristes, arrivés là pour la plupart, ballottés dans les 4x4 des tours operators….Cette nuit sera perturbée par l'arrivée peu avant minuit, d'un groupe de touristes perdus, hagards, assoiffés et affamés, attirés par la lueur de notre feu de camp après l'ensablement de leur 4x4 au milieu de nulle-part… à chacun son aventure.

Le sixième jour, nous abandonnons tout ce joli monde par une piste beaucoup moins fréquentée par les vehicules. Après le passage d'un col limite pour le 4x4, nous entamons une descente fantastique de ouadi sur près de 20 kilomètres et nous retrouvons la route de « Noweiba » où nous arrivons en fin d'après-midi. Un petit bain réparateur dans la Mer Rouge et nous nous installons au « Noweiba Palace Hotel »… un camping sympa avec des huttes de palmes ! Le soir, repas de poisson et concert de Delboukas à la terrasse d'un petit resto typique, quelques tapis et coussins au bord de la plage sur lesquels nous nous allongeons les yeux perdus dans les étoiles.

Retrouvez les images du Raid dans l'Album photos
Sur la piste

En nous levant, ce septième jour, nous ne savons pas encore que nous entamons une « journée pour rien » ou presque. Nous voulons rejoindre « l'Oasis d'ain Futuga » par la piste, mais petit problème : il n'y a qu'une route goudronnée et nous, on veut y aller par la piste… ouais ! Le goudron, beurk, on n'est pas là pour ça! Après hésitations, nous nous engageons dans un oued censé mener, par un col, à ce fameux oasis. Au début, ça va, la piste monte raide mais elle est bien marquée. Au bout d'une heure ou deux, nous rencontrons un groupe de jeunes bédouins montés sur des chameaux qui descendent à notre rencontre. Dans un anglais approximatif, ils nous font comprendre que plus avant,  la piste est infranchissable pour le 4x4. Bah, on verra bien, on tente le coup!…

Une dizaine de kilomètres plus loin, la piste est effectivement coupée par un effondrement et un chaos de gros blocs, de pierres, infranchissable. Que faire ? Continuer en portage de l'autre côté du col ? Mais où c'est, l'autre côté ? L'après-midi est bien entamée, va-t-on se séparer du 4x4 avec le risque de ne pas se retrouver et de passer la nuit à la belle etoile sans matériel de bivouac ?… L'expérience de la Jordanie nous a servi de leçon ; tant pis, à contre-cœur nous rebroussons chemin tous ensemble.

Redescendant le ouadi, une piste sur la droite nous ramène, après le passage d'un autre col, sur la route de « Sainte Catherine ». Les probabilités de rejoindre l'oasis s'envolent définitivement, ce soir nous bivouaquons près de la route, dans une petite dépression abritée des regards.

 

La journée blanche d'hier nous a fait tout de même parcourir plus de 80 kms dans des conditions difficiles, piste montante dans un sable profond. Nous abandonnons l'idée de rejoindre l'oasis et décidons de rejoindre la côte, retour donc sur « Noweiba », là, cap au Sud vers « Dahab ».

La piste magnifique, au début très roulante, court sur la grève et nous progressons rapidement. Ca change d'hier ! l'étape est ponctuée de 2 ou 3 chek-points tenus par l'armée et franchis sans encombre ; cela nous rappelle que nous sommes dans une région stratégique toujours soumise aux tensions. Les derniers kilomètres sur une mauvaise piste de tole ondulée nous conduisent à la pointe de « Raz Abu Galum », zone naturelle protégée où nous trouvons le village du même nom. Quelques huttes et baraques misérables abritent les pêcheurs de « Galum » qui vivent du assage des quelques touristes et plongeurs attirés par ce lieu paradisiaque. Après la chaleur de la piste, nous nous baignons avec délice dans les eaux profondes et exubérantes de la Mer Rouge et après un repas de poissons cuits à même le sable, nous nous endormons sur la plage…

Déjà le neuvième jour du voyage, que le temps passe vite!…Ce matin, « Mother Nature » nous gratifie d'un magnifique lever de soleil sur la mer. Il n'est pas six heures quand nous quittons « Abu Galum » par le sentier côtier que seuls les piétons, les chameaux et les vélos (ha ha ! ) peuvent emprunter tant il est étroit et tortueux. Christian et Mohamed feront un détour de plus de 100 kilomètres pour gagner « Dahab » but de l'étape du jour. Le sentier fabuleux, pas très roulant au début, longe une côte déchirée, inhabitée, où le désert se jette dans la mer. Peu de temps avant de rejoindre « Blue Hole », paradis des plongeurs du monde entier, nous nous rangeons au bord du chemin pour laisser passer une caravane de trente chameaux qui approvisionnent le village de « Galum ». Au « Blue Hole »,  nous trouvons beaucoup de monde, touristes, plongeurs, petites boutiques de pacotille, nous traçons directement sur « Dahab » où nous arrivons top synchros avec  le reste de l'équipe.

« Dahab » est un coin incroyable et surréaliste pour nous qui avons passé ces derniers jours loin de tout. Ce village de pêcheurs, oasis plantée là en bord de mer, est devenu en quelques années une espèce de « Goa », de « Woodstock » où les hippies se sont installés, tenant petits restos et boutiques colorées sur fond de musique Pop et Techno. Comme à « Noweiba », l'ambiance est ici particulière et nous profitons d'une brève halte pour nous ravitailler et acheter quelques souvenirs avant de reprendre la piste de « Sainte Catherine ». Les deux jours suivants, nous remontons de nombreux oueds, passons encore quelques cols, nous nous rafraîchissons à l'oasis de « Ain Furtaga » que nous trouvons étrangement déserte, comme abandonnée, nous négocions patiemment nos passages à deux ou trois Check-points de l'armée, seule présence humaine rencontrée en deux jours, hormis des bédouins débarqués de l'on ne sait où en pleine nuit. Nous longeons des barbelés protégeant des champs de mines sans savoir si nous sommes dans la zone protégée ou non, bref, nous faisons encore plus de 180 kilomètres avant d'arriver au « Blue Desert », derniers kilomètres de piste avant de rejoindre le bitume aux portes de « Sainte Catherine ».


L'équipe à la fin du périple vers Ste Catherine

Enfin, le douzième jour du périple, nous sommes au pied des remparts du monastère, à l'ombre du « Djebel Moussa », le fameux « Mont Moïse » où ce dernier reçut, selon la Bible, les Tables de la Loi. Après ces journées passées sur la piste à lutter avec soi-même, nous trouvons l'endroit un peu agité et surpeuplé, bien en-dessous de la réputation qui lui est faite et, pour mettre un terme à ce voyage, nous gravissons la Montagne aux Ecritures, fin de la piste, fin du rêve…

 

Les trois jours suivants seront consacrés à notre retour au Caire, en minibus, en compagnie d'une Japonnaise, d'un Américain, d'un Argentin, c'est ça aussi les voyages, les rencontres….
Nous visiterons les incontournables du Caire (musée, pyramides, souks) avant de rejoindre nos familles la tête pleine de bruits, de parfums, d'images et les corps un peu marqués par les kilomètres de piste. Sur le plan mécanique, hormis quelques crevaisons et la casse d'un dérailleur, nous n'avons connu aucun problème tout au long des 850 kilomètres du voyage à vélo .
Néanmoins, par rapport à notre prévisionnel, nous avons été bluffés par le relief, par les distances, par l'impossibilité d'aller n'importe où, par la présence presque incontournable des contrôles et des autorités (sans laisser passer officiel, difficile d'aller où l'on veut au Sinaï…), en revanche, pour la logistique, no problems only solutions ! Partout nous avons été accueillis avec gentillesse, peut-être encore plus lors de nos rares rencontres dans le désert. Le Sinaï est un endroit d'une rare beauté, étonnant par sa diversité de formes, de couleurs, terre sacrée qui fascine les hommes depuis l'aube des temps.

 

Nous reviendrons, Inch' Allah !

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