Raid VTT en JORDANIE en 1995

Octobre 1995, nouvelle destination . Cette fois ci nous partons sur les traces de Lawrence d'Arabie : direction le royaume Hashemite de Jordanie.

La Jordanie est coincée entre la Syrie, l'Arabie Saoudite, l'Irak et Israël. Elle ne possède qu'une étroite ouverture sur la mer Rouge, environ 25 km de côtes dans le Golfe d'Aqaba.

Nous partirons pour ce nouveau périple de la capitale Amman pour atteindre Aqaba.

Fidèles à notre logistique habituelle, nous louons un véhicule quatre roues motrices qui sera conduit par Christian notre pilote caméraman accompagné de Dany notre photographe dessinateur. Nous achetons à Amman tout le matériel de bivouac ainsi que la nourriture pour les premiers repas.

La superficie de la Jordanie est de pratiquement 90 000 Km2. Depuis la perte de la Cisjordanie en 1988, sa frontière occidentale est marquée par la dépression du fleuve Jourdain, le fossé de la Mer Morte prolongé par le wadi Araba qui descend jusqu'au Golfe d'Aqaba.

A l'Est de cette dépression située en dessous du niveau de la mer (jusqu'à - 300 mètres) , les plateaux désertiques de Transjordanie couvrant la majeure partie du pays s'inclinent doucement vers les cuvettes d'Al-Azzak au nord et d'Al- Jafr au sud. A l'est d'Aqaba se trouve le désert de Ram qui montre la plus ancienne strate géologique connue de l'écorce terrestre  où nous irons à notre tour laisser nos traces de pneus.

Après avoir quitté Amman la très vivante capitale nous prenons le cap vers l'est en direction des châteaux du désert. Nous quittons le bitume au niveau du village d'Al Muwaqa pour prendre la piste qui nous mènera pour notre première étape au Qsar Mushash, ensuite au Qsar Amra châteaux des princes omeyades. Au coeur d'anciens domaines agricoles, ces châteaux offraient non seulement loisirs et délassement, mais jouaient aussi un rôle diplomatique en recevant fastueusement les chefs des tribus bédouines des environs.

Le château d'Amra aux fresques étonnantes, avec ses baigneuses, ses scènes de chasse et ses animaux musiciens est des plus surprenants. Pour terminer notre première journée nous atteindrons le Qsar Al Azraq où Sir Lawrence a séjourné à plusieurs reprises.Le vieux guide présent sur place nous montre des photos jaunies de son héros. Premiers tours de roues et déjà beaucoup de sensations et d'émotions.

Ce premier contact avec la piste nous a permis d'apprécier le climat du pays, chaud et sec, idéal pour rouler en ce mois d'octobre. Au départ d'Al Azraq nous longeons le wadi Al Janab vers l'ouest jusqu'au Qsar Al Kharana devant
lequel nous ne nous attarderons pas, sa proximité avec la route d'Amman facilite la présence de groupes de touristes qui envahissent bruyamment les lieux. nous gardons notre cap à l'ouest en direction du village de Nitil et du mont Nebo.

 

La piste est poussiéreuse mais le sol dur nous permet de progresser très rapidement. Nous traversons la ville de Madaba ou nous profitons de la présence d'un bureau de poste pour donner des nouvelles à nos familles.

Byzance a légué à la Jordanie des trésors de mosaïques, dont la plus célèbre est la carte de la Palestine dans l'église Saint-Georges de Madaba, qui permettait aux pèlerins venant probablement de la péninsule arabique et d'Ethiopie de se plonger dans les multiples sites bibliques de la région. L'école de mosaïque de Madaba se retrouve en plein désert, dans l'église Saint-Etienne à Umm Er Rasas.

Nous quittons les hauts plateaux pour plonger dans la dépression du jourdain jusqu'à Hammamat Main. La portion de route bitumée pour descendre vers les sources sulfureuses d'Hammamat est tellement pentue que les patins de frein de mon Suun fondent littéralement et laissent des traces de fil translucide tout autour de ma roue avant.

Nous profitons des sources chaudes pour prendre un bain sous des chutes d'eau à 52 degrés. Les quelques kilomètres qui nous séparent de la mer Mortes seront parcourus en portage dans le canyon du Wadi Zarqa, à patauger dans la boue et l'eau chaude entourés de papyrus et de quelques palmiers. L'endroit est magnifique et les derniers virages nous permettent de déboucher 150 mètres au dessus de la mer Morte.

Nous bivouaquons sur la rive après avoir pris un bain dans l'eau salée sur laquelle nous flottons comme des bouchons. la forte salinité présente agresse les multiples petites blessures et égratignures qui couvrent principalement nos jambes. Cette incroyable impression de flottaison nous permet d'oublier la dureté de la piste.

 

Au matin nous suivons la rive direction plein sud jusqu'à Potash City. A partir de là nous devons passer de la dépression de moins 300 mètres aux hauts plateaux en direction de la ville de Kérak célèbre pour sa citadelle. A proximité de Kérak nous serons accueillis par des Jordaniens qui nous ferons profiter d'une soirée de détente musicale.

Le lendemain notre parcours entrecoupé de portions bitumées et de pistes rocailleuses nous amènera à At Tafila puis à At Shawbak par la route des Rois.
Au coeur du désert nous approchons du massif de grès rose où les Nabatéens édifièrent Pétra, leur capitale.
Ce peuple caravanier, présent a partir du Vème siècle avant notre ère, assurait l'essentiel des échanges commerciaux entre le Golfe Persique et
la Méditerranée. Face aux successeurs d'Alexandre tentés par leurs richesses, les Nabatéens adoptaient une stratégie défensive, disparaissant dans la nature avec leurs biens, en se repliant dans la forteresse imprenable qu'était Pétra. Ainsi, durant des siècles, entrepôts, tombeaux , mausolées furent creusés à même le roc.

Retrouvez les images du Raid dans l'Album photos
Avec mon ami Francis dans le Wadi Ram

Pétra, Capitale oublié de l'homme durant des siècles. Aux yeux de l'explorateur Suisse Burckhardt, le premier Occidental à en parler, en 1812, Pétra est apparue comme un immense trésor, jalousement gardé dans son écrin rocheux.Il avait entendu parler d'une mystérieuse cité cachée parmi les montagnes impénétrables et, durant une de ses nombreuses expéditions en terre arabe il se fit passer pour un musulman afin de justifier sa recherche de la cité perdue. Il manifesta donc le désir de faire un sacrifice sur la tombe du prophète Aaron qui se trouvait dans cette région. Dés que l'étroite gorge du Siq s'ouvrit pour révéler son secret, Burckhardt n'eut aucun doute : c'était bien la légendaire Pétra, capitale des Nabatéens.

 

Encore aujourd'hui personne ne pourra expliquer l'impression de stupeur muette qui s'empare du visiteur en voyant émerger de la roche, parfois intacts comme au premier jour, tous ces témoignages du génie humain. Prise en 106 par les Romains, Pétra se voit dotée de temples , d'une colonnade et d'un superbe amphithéâtre, que l'on peut admirer depuis les antiques lieux de sacrifice au sommet des montagnes. Figée dans la pierre, Pétra la rougeoyante fascine autant le visiteur curieux que l'archéologue qui cherche à en percer les mystères.

Nous profitons d'une superbe journée et de l'absence incroyable et quasi totale de visiteurs pour découvrir nous aussi ce fabuleux trésor. Nous quittons Pétra après cette courte journée de repos accordée à la visite indispensable du site. Nous descendons toujours plus au sud vers le village de Ram afin d'entamer la derniere partie de notre voyage dans le désert du wadi ram cher à Lawrence d'Arabie, lieu mythique qui servait de base arrière aux nombreux raids contre les troupes Turques, ainsi que des attaques de convois ferroviaires.

 

Le décor est plus que fabuleux, il ne reflète pas le génie humain de Pétra, mais son immensité et ses couleurs sont à couper le souffle. Un décor de cinéma plus vrai que nature, où la nature est allée de son génie, plus démonstrative que jamais.

Après avoir suivi un certain temps la voie de chemin de fer à la recherche de traces d'éventuels combats, nous entamons la piste dans une euphorie à peine dissimulée. Droits sur les pédales, nous fusons dans ce paysage surréaliste... pour peu de temps... la profondeur de certaines nappes de sable ont vite raison de notre dynamisme. Le portage est souvent de rigueur.

 

Nous progressons par deux ou quelque fois seul, distants les uns des autres de plusieurs centaines de mètres sur toute la largeur du Wadi, à la recherche de la meilleure trajectoire, écrasés par un soleil de plomb et par les imposantes falaises qui nous entourent. Au fil des kilomètres chacun se retrouve un peu plus seul avec soi même, en recherche permanente de motivation, recherche de la dynamique qui va nous permettre de franchir sur nos VTT la zone de sable suivante.
Retrouvez les images du Raid dans l'Album photos
Un incroyable paysage sous mes yeux

De temps en temps nous oublions le but de notre course poursuite et on se perd les yeux noyés dans le paysage. On s'enfonce à chaque pas dans le sable ocre et profond, le vélo sur le dos, à la recherche de la moindre trace de vie. Les seules traces visibles sont celles laissées sur les pistes par des véhicules bédouins ou sur le sable par les pattes des scorpions ou la queue des serpents et lézards. Mais la chaleur de la journée est tellement lourde que tous ces habitants du désert se terrent bien à l'abri du soleil dans les roches ou au fond des trous que l'on peut voir au pied de chaque buisson.

 

Nous bivouaquons au pied d'un amas de roches tordues, creusées, éclatées, comme façonnées par un artiste dément. Le soir autour du feu nous nous régalons de pâtisseries et de confiture de pêches achetées la veille à Pétra.

Plus tard dans la soirée les phares d'un véhicule se dirigent vers nous. Les distances sont tellement peu estimables qu'il n'arrivera à notre campement qu'une dizaine de minutes plus tard. Deux nomades armés de Kalachnikov s'approchent de nous attirés par la curiosité et le feu. Ils sont étonnés de voir nos VTT ici en plein désert. Nous échangeons une tasse de café et de grands sourires malgré la barrière du langage. Le vélo y est pour quelque chose, il a cela de magique. Il n'est pas aussi commun qu'un 4X4, il ne fait pas de bruit, il n'effraie pas, il n'attire pas la convoitise et n'impressionne pas les populations rencontrées. Il amuse et fait sourire , et les gens vous respectent amicalement et en toute sincérité. Le contact est chaque fois possible.

Nos amis d'un soir nous quittent peu après, sur des grands saluts fraternels. Chacun de nous se retrouve un peu plus tard dans son sac de couchage, les yeux perdus dans la nuit étoilée, à revivre la journée de VTT, gagné peu à peu par le sommeil.

Au réveil nous nous retrouvons couverts de rosée. Francis qui a roulé avec son sac de couchage sur le côté se retrouve lui recouvert de sable. Jean-Yves comme à son habitude est debout depuis bien longtemps et en a profité pour escalader avec la caméra l'amas de roches qui surplombe le bivouac et ainsi filmer le lever du soleil et la naissance des ombres dans ce décor minéral. Après un bon petit-déjeuner nous reprenons la piste.

Après une journée de progression vers le sud-est nous bifurquons vers l'ouest en direction d'Aqaba étape ultime de notre voyage. Nous atteignons le lendemain la route qui par un étroit défilé nous permettra d'entrer dans la ville portuaire, l'unique de Jordanie.

 

Il nous revient à l'esprit la lecture que nous a faite Françis la veille au soir, en reprenant un passage des "sept piliers de la sagesse" écrit par Lawrence. Celui ci décrivait la prise d'Aqaba par les troupes de Feçal qu'il menait au combat.

Nous descendons à notre tour sur le rivage de la mer rouge, heureux d'avoir pu terminer ce périple mais tristes aussi que cela soit fini. Nous essayons de nous souvenir de notre arrivée précédente en Algérie, des sensations et sentiments perçus ce jour là. Nous pensons aussi déjà aux prochains départs. Peu importe le lieu, c'est le plaisir avant tout qui compte, et partir c'est déjà du plaisir. Inch Allah !


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